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05/09/2010

Simples questions de Vendée…

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Dans la salle grisâtre des Archives un éclair de joie se fait sentir après bien des heures infructueuses. C’était donc vrai ce que la grand-mère racontait ! Ces histoires de « bonhommes sans têtes » et de chemins creux.

La Vendée la voilà, je la touche des doigts, au travers ces feuillets à demi-moisis qui exhalent encore malgré tout les parfums de la grande épopée. Pourtant il y a bien longtemps que la « Gueuse » est passée par là pour essayer de nous la faire oublier, cette page d’héroïsme vraiment français. Monsieur Henri, Cathelineau, Charette, bien sûr que nous les connaissons, ceux-là et tous les autres, Vendéens, Condéens, Chouans, insurgés de la vallée du Rhône, du Midi, Compagnons de Jéhu, tous ceux qui nous ont permis de conserver encore aujourd’hui un petit zeste d’humanité.8d8408dc8989b777-moyen2-francois-athanase-charette-contrie-1763-1796-general-chef-armees-vendeennes-guerin-paulin-jean.jpg

En revanche, sommes-nous sûr de tout connaître ? Tous ces capitaines de paroisses, ces soldats obscurs, qu’en savons-nous ? Certes, des revues spécialisées (votre serviteur y collabore du mieux qu’il peut) nous éclairent un peu sur ces personnages, mais hélas, transmettre est quelquefois bien plus difficile qu’apprendre. Qui étaient-ils ces héros sans solde, ces cultivateurs, ces tisserands, ces domestiques, ces anciens officiers ? De la chaumière au château on s’interroge encore…

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D’éminents historiens ont prétendu tout nous apprendre : c’est à cause de la pauvreté, des missions de Louis-Marie Grignion de Montfort, de l’ignorance ou bien encore (ce qui réfute inévitablement la précédente assertion) de la bonne entente entre la noblesse et le Tiers-Etat. La vraie question, personne ne la pose jamais : Ce n’est pas « Pourquoi la Vendée ? », mais plutôt pourquoi pas la France entière ? Que pensait le peuple d’alors ? Etait-il entièrement franc-maçon ? A-t-il simplement subi ? Et les manipulations, la Bastille, la grande peur de la Madeleine ? Et alors pourquoi la Vendée ? Et pourquoi pas ?c72ec88b7e0c9b77-moyen2-maurice-joseph-louis-gigost-elbee-1752-1794-generalissime-armees-vendeennes-guerin-paulin-jean.jpg

Et moi, que serais-je devenu si j’avais vécu de tels drames ? Aurais-je osé l’impensable contre l’impossible ? Aurais-je osé frapper à la porte de Bonchamps, de Royrand ou de d’Elbée pour m’entendre dire : « Mais tu es devenu fou mon ami ! Eh bien, puisque tu es venu, allons-y, mêlons nos sangs dans la victoire ou dans la mort ! » Tout cela est très beau, il faut en convenir, mais l’héritage, est-il à la hauteur de l’histoire ? Quand je vois aujourd’hui des descendants de capitaines de paroisses, dont les familles s’étaient montrées toujours zélées jusqu’au XX° siècle, quand je vois, disais-je, des descendants des victimes de Turreau, aujourd’hui converties à un gauchisme patent, se vautrant dans une ignorance indigne, il y a de quoi se désespérer, croyez-moi ! Ne parlons même pas de choses chrétiennes, elles sont bien loin de la Vendée d’aujourd’hui. Il faudrait pouvoir expliquer à chacun ce que fut la Vendée, mais cela semble une gageure bien difficile. Pourtant, il semble que le réveil se fasse, tout doucement. La généalogie est en passe de devenir un sport national et les vieux livres s’arrachent à prix d’or chez les bouquinistes. Il n’en faut pas plus pour encourager les descendants d’illustres personnages à faire leur devoir.

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Cette émulation ne peut qu’en entraîner d’autres, dans tous les recoins de la Vendée, et même de la France. Actuellement, les textes officiels nous parlent des Guerres de Vendée en termes très discrets, un brin attristés ; « Cruautés de part et d’autres, font de cette guerre, etc… etc… », nous connaissons le refrain. Il ne s’agit pas de « cruautés de part et d’autres », mais bien d’ignominies de la part d’un gouvernement indigne du nom français. En ce domaine tout reste à faire, et à une heure où les « repentances » sont légion, je doute fort que celle pour la Vendée soient à l’ordre du jour. Mais qu’à cela ne tienne, descendants de Monsieur Henri, d’un modeste soldat ou bien simples Vendéens de cœur, c’est à nous que tout cet héritage échoit.

 

Je vous l’accorde, nous avons tous des soucis quotidiens bien éloignés de la Vendée, mais une minute, une heure pour elle, après tout ce que nous lui devons : le droit d’entrer dans une église en est le premier, ne l’oublions jamais. Au moment où la République nous brandit des croissants islamiques à l’envi, je serais très curieux de connaître l’opinion de certains penseurs qui savent tout sur la Vendée… Il y aurait peut-être un livre à faire sur « pourquoi la laïcité, quels sont les grands progrès qu’elle nous apporte ? » 

Mais nous, nous sommes Vendéens, Vendéens comme d’autres peuvent être Ecossais ou Irlandais, héritiers de ce peuple qui a su dire NON ! Ce n’est pas faire du passéisme que de parler de la Vendée, c’est avant tout aborder l’avenir, le cœur et la conscience avertis… 

Mais nous parlions, et voilà que le jour décline déjà, les lueurs du crépuscule flânent encore un peu sur nos bocages et nos marais. Finie la journée aux archives ou dans les vieux livres… Il faut souffler la chandelle… 

Et alors, quand les derniers feux de la maison seront éteints, là-bas, au fond du jardin, près du vieil arbre creux, se dessineront les contours d’un étendard sans tache et la silhouette d’un guetteur venu d’un autre monde…

 

Richard LUEIL

Décembre 2003.

14/08/2010

« Il y a de la mousse sur la route »

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Un dimanche après-midi en Bocage. Une promenade de plus et nous laissons la voiture à l’entrée d’un sombre et quelque peu inquiétant bois de chênes, châtaigniers et autres espèces si propre à notre région. Le pâle et froid soleil d’hiver s’en va doucement, vers là-bas, vers le pays de Charette… La carte de Cassini est formelle, c’est « par là » qu’ils sont passés… Mais comment les Vendéens ont-ils pu se battre ici ? Il n’y a rien, rien que des champs ou des arbres. Il n’y a rien non, mais attendez voir, ça y est le chemin est là ! Il faut donc prendre cette route de ferme dont le goudron s’effrite et dont le milieu est envahi d’herbe. Il y a de la mousse sur la route, signe que plus personne ne passe régulièrement ici depuis longtemps. Ce chemin, pourtant goudronné semble si abandonné, il n’y passe jamais personne faut-il croire. On y  avance, l’air est glacial, rien ne bouge, que quelques oiseaux apeurés. La carcasse d’une vieille auto des années 50 gît là parmi les broussailles, noyée dans la rouille et attaquée de toutes parts par les ronces. Comme le chemin lui-même, elle est le symbole d’un temps révolu tout comme un jour le nôtre le sera, révolu, oublié, méprisé quoi qu’on en dise. Il ne sert à rien de se gausser de modernité car nous serons toujours le passé de quelque chose…. Le chemin se poursuit, se rétrécissant de plus en plus, jusqu’à devenir boueux. Le goudron a disparu et fait place maintenant  à un bourbier glacé qui va se creusant  à mesure de la progression des promeneurs. Le chemin devient creux et de plus en plus sombre. Pas un bruit, le silence est sépulcral et c’est tout juste si la bise parvient à atteindre les branchages tristes qui recouvrent ce sentier lugubre et abandonné. Un élargissement vient, tout à coup perturber la douce continuité du chemin. Un autre chemin que nous n’aurions pas vu sur la carte ? Non, fausse alerte, ce n’est qu’un sentier menant à l’entrée d’un champ. Pas grand chose d’historique de ce côté…. Mais qu’est-ce donc là, derrière ces arbres ? Bon sang ! une croix ! Elle est toute petite, toute ronde, le granit est couvert d’un lichen gluant et froid. Le vieil homme rencontré avant la promenade avait raison. « En allant par là, vous verrez la croix des chouans » avait-il dit. Il n’en savait pas plus, ou peut-être s’était-il tu, volontairement, lassé d’être pris pour un vieux fou dont plus personne n’écoute les discours sur les vieilles histoires du pays. Ce vieil homme marchait péniblement en appelant un jeune chien particulièrement récalcitrant. Il devait être d’ici, de pas loin, de l’une de ces maisons en contre-bas de la colline, ces maisons si difficiles à dater aux tuiles rouges et aux fenêtres vermoulues et  à la peinture écaillée.

 

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Voici donc la « Croix des Chouans », des « Vendéens » plutôt non ? La grande histoire ici se confond avec la petite et le seul souvenir que l’on ait à l’esprit sont ces hommes déterminés avec leurs faux tournées à revers…. Et puis cette horreur, ce feu, ces crimes sans nom… Notre chemin continue et de plus en plus, une impression de paix se dégage. Le chemin nous protège, de quoi, nous n’en savons rien mais il semble moins sombre et moins sinistre au fur et à mesure que nous avançons. Cette impression de crainte du début de la promenade s’est estompée et nous voilà prêts pour des kilomètres, ce chemin nous a donné des ailes.. Se tortillant, tantôt s’élargissant tantôt se rétrécissant, montant, descendant, il nous plonge dans une atmosphère qui nous échappe. Serions-nous devenus insensibles au temps ? La carte nous indiquait un pont qui enjamberait une rivière anecdotique… Point de pont à l’horizon et la précision de ces vieilles données bicentenaires laisse sans doute à désirer. Il n’y a rien par ici et d’ailleurs la végétation est de plus en plus dense, tout à l’heure nous ne pourrons plus avancer. Il est là !!!!!!!!!! victoire !!!!!! Le « pont », le pont est là !!!!!! Il est d’une largeur impressionnante, le triple de celle du chemin ! Comment est-ce possible ? La « bataille » s’est donc déroulée là sur cet amas de pierres, sur ce chemin boueux, le long de ce ruisseau que l’on imaginait énorme. Les chevaux y étaient tombés, les caissons des républicains aussi, mais pourtant ce ruisseau est si petit ! C’est à peine s’il fait trente centimètres de profondeur. Allons ma bonne amie, franchissons le pont et allons voir si le chemin continue. Nous ne traînerons pas car le soir s’avance et le ciel menace de neige. Cet hiver est presque aussi rigoureux que celui de 1794. Mon Dieu, la panique nous prend tout à coup. Quelque chose nous dit de rebrousser chemin au plus vite. De toute façon nous venons de franchir  l’autre côté du pont. Il n’y a plus rien à voir. Une entrée de champ….. Le chemin s’arrête définitivement. La carte indiquait une route qui continuait jusqu’au village pris par les Vendéens mais non, le temps a passé et le chemin s’arrête…. Pour toujours…..

 

Pour toujours se sont arrêtés la vaillance et l’héroïsme de la Vendée, comme son chemin. Gardons l’enseignement de ces braves qui nous ont permis d’être des hommes libres, libres de croire, libres d’aimer. Tiens une cloche sonne dans le lointain…. Cinq heures du soir. Sommes-nous bêtes, c’est l’église du village voisin qui nous rappelle que l’heure de la fin de la balade a sonné et que nous devons rentrer au chaud. Pourtant dans le tintement de cette cloche du Bocage, il y avait comme un message, un ultime message secret, un message venu du tréfonds du passé, que seuls les hommes libres savent décoder. C’était une cloche, rien qu’une cloche, une cloche d’un clocher de…. Vendée…..

 

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Le retour est épuisant, le froid dévore nos mains, la boue n’en finit pas, des ornières profondes voudraient nous retenir et nous empêcher de revenir à notre monde. Il monte ce chemin, j’imagine les cris de « Vive le Roi » derrière les buissons mais il n’y a rien…. Je me mets simplement à la place de ces pauvres femmes qui ont couru là pour sauver leur honneur et leur vie, un bébé malade dans les bras et un autre enfant haletant derrière sa mère. Sans doute qu’eux aussi craignaient la neige qui allait trahir leur passage et les mener à une mort atroce….. La « croix des chouans » est là, encore un bon quart d’heure et nous serons arrivés… La voiture est là, symbole de ce modernisme chaud où nous vivons au quotidien. La voiture n’a pas bougé, elle a attendu patiemment le retour de ces fous à l’insatiable appétit d’un passé révolu mais si beau. C’est promis nous irons offrir un cierge à « Notre-Dame de Beauchêne » pour la remercier de nous offrir son Bocage chaque dimanche.

 

Cette promenade achevée, cette promenade imaginaire qui n’est qu’une synthèse de tout ce que votre serviteur a pu vivre d’émotion en vingt ans d’intérêt pour la Vendée est dédiée à tous ceux qui ressentent l’envie, le besoin de s’évader de cet ennui perpétuel qui fait notre vie moderne. L’histoire n’est pas une contrainte, je ne suis pas certain que soit vraiment une libération, c’est juste un rêve tenace,  un voyage qu’il faut faire. L’avenir plonge ses racines dans l’histoire et comme nous le disions plus haut dans le texte : « Nous serons toujours le passé de quelque chose »…..

 

 

Richard LUEIL / Février 2010