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13/10/2012

AU SECOURS DE VAUCOULEURS

vaucouleurs.jpgVaucouleurs, du côté de "France" -la France du quinzième siècle-  s'annonce par de graves paysages, forêts, prés exigus, clairières de champs bombés aux horizons sauvages, villages dans l'ombre de leur ravin. C'est octobre, les hameaux le font savoir comme ces calendriers des travaux déroulés, dans des quadrilobes, au soubassement des églises. Voici les tas de bois en vue du long hiver. Sur la planche, le cochon que l'on vient de tuer fait -on m'excusera- un noble cadavre. Une échelle oscille dans un pommier. A Couvert-puis, Biencourt, Ribeaucourt, le temps s'est arrêté et l'automne d'aujourd'hui est l'automne d'hier et de toujours. Connaissez-vous les jolies portes, le pont, le site de Montiers-sur-Saulx ? Les bois, au bord des petites routes, commencent à peine à s'effeuiller. Dans l'ombre humide, des géants veillent, revêtus de mousses somptueuses, auxquels l'imagination, sur cette terre à merveilles, s'empresse de prêter un caractère fatidique.


A quelques lieues d'ici, au coeur de hauts pays battus des vents, Grand propose à la solitude les vestiges de l'époque où ses murs enfermaient un sanctuaire prestigieux que Camille Jullian nomme "le plus fameux des temples d'Apollon celtique". Sous les portiques de Grand on pratiquait l'oniromancie : la nuit venue, après le sacrifice, le consultant entrait dans le sommeil qui devait lui offrir le rêve propre à le renseigner. Lumières de la nuit, oracles du songe... Par Houdelaincourt, Rosières-en-Blois, on gagne Vaucouleurs et les eaux d'une Meuse non moins paradoxale, "endormeuse" au dire de Péguy, et en même temps éveilleuse, conseillère de résistance, maîtresse d'énergie.


M. HENRI BATAILLE, sur les bords de la Meuse ne dort pas.


henri bataille.jpgDepuis 1928, il veille et se dépense dans un site qu'il honore comme l'auxiliaire providentiel de la vocation de Jeanne d'Arc.

Depuis 1928 ! C'est beau, ce long effort qui se poursuit soixante-deux ans plus tard, long effort inspiré, soutenu par une ardeur inextinguible, entrepris tout juste cinq siècles après l'apparition de Jeanne au pied des tours de Vaucouleurs !

Ces tours de Vaucouleurs, que gouvernait Robert de Baudricourt, elles abritaient en 1428, l'une des toutes dernières flammes de la résistance française au nord de la Loire : le flot anglais et bourguignon recouvre tout, à telles enseignes que pour trouver, quittant le "sanctuaire" de la Meuse, une autre place française, il faut marcher... jusqu'au Mont-Saint-Michel.


Ces tours de la cité de Vaucouleurs, on sent bien qu'Henri Bataille les vénère comme des dames autrefois puissantes et tutélaires, des fées de pierre déchues après avoir porté le destin de la France. Il se plaît à égrener, à faire chanter leurs beaux noms sonores : Gargasse, Saladin, Quiquengrogne, en exaltant ces heures dangereuses de 1428 où l'Anglo-Bourguignon campe devant Vaucouleurs. Robert de Baudricourt traite avec l'ennemi mais ne rend pas la place. Le temps gagné sera infiniment précieux. Dans Vaucouleurs, resté français, derrière ces tours assez vaillantes pour incliner les assiégeants à se contenter d'une capitulation conditionnelle, l'épopée de Jeanne d'Arc pourra se préparer, le salut pourra prendre forme. Henri Bataille avance de solides arguments pour appuyer sa thèse d'une reddition remise à Pâques ou à la Trinité.
Et cette thèse va réveiller les questions éternelles de la stratégie de dissuassion et de la valeur des fortifications permanentes. Sautant encore cinq siècles en sens inverse, on se prend à rêver d'une certaine ligne Maginot et du cours qu'aurait pris l'Histoire si ce colosse n'avait souffert des infirmités que l'on sait...


tour.jpgVoilà bientôt trois quarts de siècle qu'Henri Bataille s'est consacré à une double, à une triple défense et illustration : illustration du rôle historique de la cité de Vaucouleurs, matrice de l'aventure qui sauva la France ; illustration de la vertu politique de Robert de Baudricourt, négociateur heureux et collaborateur clairvoyant des destinées ; illustration, enfin des pierres qui protégèrent l'enfance de l'épopée, longtemps ensevelies sous la terre, sous les constructions parasites, sous le voile de l'oubli.

En 1928, il dégage la basse-cour du château, la porte d'entrée, le pourtour de la crypte de l'ancienne chapelle et aussi le superbe tilleul multiséculaire qui se déploie en face de la vallée. Ce Schliemann d'une Troie qui ne fut pas prise roulera pour cette exhumation des milliers de brouettes...


En 1932, il lui faudra lutter pour sauvegarder le site même du château, menacé de nivellement. Henri Bataille doit négocier avec l'huissier et le gendarme. Il l'emporte et pourra mener, jusqu'en 1954 -grâce à des dons, puis grâce au produit de ses efforts- des fouilles qui livreront le rez-de-chaussée de l'ouvrage, avec des murs très respectables pouvant atteindre six mètres d'épaisseur, des bases de tours et toutes les trouvailles que l'on pense. Comme des constructions plus récentes s'étaient accrochées au château, la Rumeur, qui ne chôme pas, prétend qu'il donne des vessies pour des lanternes en faisant passer de simples maisons pour la résidence de Robert de Baudricourt !

Je passe sur quelques épisodes une autre page de l'oeuvre d'Henri Bataille : après le château, les murs de ville ! A partir de 1965, en effet, il acquiert sept propriétés à seule fin de pouvoir mettre en valeur les tours de l'enceinte qui reçut Jeanne d'Arc. Car la clôture de Vaucouleurs, partout rompue, subsiste comme en pointillé. Et de même que Vaucouleurs, dans la France envahie, fut un "clou de fidélité", de même ces tours soignées avec un zèle méticuleux forment grâce à Henri Bataille les clous précieux qui continuent de fixer cette cité à son glorieux passé.


J'ai vu Henri Bataille sur la scène de ses grands travaux, les siens et ceux de son épouse, qui n'a pas cessé de se dépenser à ses côtés. Le château qu'il avait commencé de rendre à la lumière, hélas, disparaît de nouveau sous la végétation. Ces tâches sont trop souvent des supplices de Sisyphe... Mais Henri Bataille est tout courage et de toute confiance. Allez aux beaux jours sur la côte de Vaucouleurs. Il vous abordera, courtois et calme, pour remettre l'actuelle "porte de France" à sa place, qui est celle d'une construction du XVIIIème siècle posée sur une partie intacte -qu'il faut absolument dégager- de la porte qu'emprunta Jeanne allant sauver la France. A la mauvaise saison, Henri Bataille ne sera pas là pour vous faire visiter, gratuitement, selon son usage, la "Carcassonne de l'Est". C'est le temps de ses conférences, d'où il tire les ressources nécessaires pour sa mission. Les Anglais se montrent particulièrement généreux.


Pierre Bénard - docteur es lettres

- Revue "Sites et Monuments" - 1991

Commentaires

Quelle tenacité pour cet homme qui veut ressuciter le passé et le préserver, je le soutient par la pensée et suis de tout coeur avec lui pour la préservation de ce haut lieu qui a connu Jeanne, que Dieu le bénisse et lui apporte la force de continuer son oeuvre pour Jeanne pour Dieu et le Roi.

Écrit par : vernier jacques | 13/10/2012

Monsieur Henri Bataille est décédé le 23 novembre 2008 à Nancy.

Écrit par : Mavendorf | 13/10/2012

Rendons hommage à cet homme qui a consacré toute sa vie à l'entretien du site de Vaucouleurs. Il a subi des tracasseries administratives telles que celle ci : en 1946 il avait dégagé de terre la salle des chevaliers du château de Vaucouleurs dont l'immense cheminée était bien visible. M. Henri Bataille ne demandait rien à personne, il le faisait avec le coeur d'un homme qui aime son pays et avec ses deniers : quelques années plus tard on lui a envoyé la gendarmerie qui l'a sommé de reboucher tout ce qu'il avait mis à jour.... et c'est toujours ainsi !. Dans la dernière ligne droite de sa vie il a eu le bonheur d'être aidé par un gentleman anglais qui a financé la restauration de la tour dite "des Anglais" du XIème siècle promise à la destruction au bénéfice d'un très beau supermarché probablement ! Aujourd'hui, même à Vaucouleurs, est-ce que quelqu'un sait que cette tour a été sauvée grâce à la dernière énergie d'Henri Bataille. Je vous salue, Monsieur, et vous remercie de m'avoir si bien accueillie dans votre Maison des Remparts où vous aviez préservé des trésors d'histoire de Jeanne d'Arc... mais que sont-ils devenus ?

Écrit par : Gavrilovic | 06/11/2012

Bonjour Monsieur, Madame,

Je trouve avec plaisir, reproduit sur votre site, le texte que j'ai consacré jadis à M. Bataille, dans lequel j'avais embouché, au dire même de celui-ci, la "trompette épique".
Je me souviens avec émotion de ma venue à Vaucouleurs, un jour magnifique d'automne, et de l'accueil de M. Bataille, tout à la fois souriant et grave, plein de chaleur contenue.

En vous remerciant, avec toute ma sympathie.

Pierre Bénard
0677279444

Écrit par : Pierre Bénard | 04/10/2013

Bonjour cher Monsieur,

Conformément à votre demande les corrections ont été apportées à votre texte. Merci à vous pour votre amabilité et d'accepter de partager cet écrit de valeur avec les lecteurs de notre blog.

Bien cordialement

Écrit par : Mavendorf | 05/10/2013

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