29/03/2011
La Couronne d'épines acquise par Saint Louis
Le 23 mars 1237 Baudouin II, prince français de la maison de Courtenay, devint empereur de l'empire latin de Constantinople qui se survivait péniblement. Baudouin alla en Occident à diverses reprises quémander des secours aliénant, à cet effet, les reliques de ses églises. Dans la situation obérée où il se trouva il engagea, contre une forte somme, par un acte du 4 septembre 1238 qui est conservé, la Couronne d'épines à Nicolo Quirino, marchand vénitien.
Saint Louis apprenant cette véritable simonie s'en indigna et se substitua à Quirino. Il envoya aussitôt deux dominicains, Jacques et André de Longjumeau, à Constantinople puis à Venise chercher la relique, accompagnés par les ambassadeurs chargés de régler les questions pécuniaires. Au retour une troupe de gens d'armes, prêtée par l'empereur d'Allemagne Frédéric II, protégeait le convoi. Quand le cortège fut arrivé à Troyes on prévint le Roi ; il quitta Paris pour Sens avec sa mère, ses frères, des prélats de sa maison et de nombreux religieux et seigneurs de la Cour.
Chapelle du Sacré-Cœur
Tableau «Saint Louis recevant la couronne d'épines des mains du Christ»
de Michel Ier Corneille l'Ancien (1601-1664)
La rencontre eut lieu le 10 août 1239 à Villeneuve-l'Archevêque, petite bourgade à six lieues au-delà de Sens. Immédiatement on montre au Roi le coffre en bois dans lequel on transportait le trésor ; mais la curiosité de saint Louis était trop vive pour se satisfaire de si peu. On lui présente les actes établissant l'authenticité de l'envoi ; il vérifie les sceaux intacts et les fait briser. Le coffre ouvert, il voit une châsse en argent d'où l'on retire un vase d'or renfermant la sainte Couronne. Il la prend avec un précieux respect ; puis, s'agenouillant, il la considère longuement et la montre à tous les assistants émus, après quoi le Roi la replace dans le reliquaire et l'on se met en route.
Le lendemain, 11 août, on arrive à Sens. Aux portes de la ville Louis IX, son frère Robert comte d'Artois, couverts d'une simple cotte, nu pieds, prennent la châsse d'argent sur leurs épaules. Précédés du clergé de la région avec les reliques de toutes les églises, accompagnés des prélats et seigneurs, suivis d'un immense concours du peuple, ils portent la Couronne d'épines jusqu'à l'église métropolitaine de Sens (dont dépendait alors Paris, érigé en archevêché seulement le 20 octobre 1622 par une bulle de Grégoire XV) où elle reste exposée tout le jour.
Le 12 août le Roi repart pour Paris où, huit jours plus tard, la relique est reçue solennellement. En dehors de la ville (entendons en face de l'île de la Cité), on avait dressé une haute estrade sur laquelle on éleva la châsse afin que tout le monde pût la voir. Avec le même cérémonial qu'à Sens, mais au milieu d'une foule beaucoup plus considérable, le Roi et son frère transportèrent la Couronne d'épines à la cathédrale puis, après l'office, à la chapelle du Palais. ce n'était évidemment pas l'édifice actuel, mais sur le même emplacement, une chapelle fondée par Louis VI le Gros, vers 1020, sous le vocable de saint Nicolas. Après avoir acquis une portion considérable de la Vraie Croix, saint Louis fit bâtir, pour abriter toutes les reliques de la Passion, l'actuelle Sainte-Chapelle, véritable châsse monumentale, dont la dédicace sous le titre de Sainte Couronne d'épines de Notre-Seigneur fut célébrée le 26 avril 1248 par Eudes de Châteauroux, officiant en qualité de légat du Saint-Siège.
Chapelle Saint-Louis, bas-côté gauche
La chapelle fut tout de suite dotée d'un clergé particulier, étant à la fois reliquaire et chapelle privée pour la famille royale qui pouvait y accéder directement du palais. En 1306 Philippe le Bel y faisait transférer, de l'abbatiale de Saint-Denis où il était conservé, le chef de saint Louis, son aieul, pour lequel il avait commandé un buste reliquaire en argent doré rehaussé de pierres précieuses ; et qui portait des trente deux rois depuis Clovis à Philippe le Bel, sur le modèle de la châsse de Charlemagne (canonisé en 1165), que Frédéric II de Hohenstaufen avait fait faire, et qui était flanquée des effigies des empereurs qui lui avaient succédé jusqu'au donateur inclus.
La Couronne d'épines fut conservée à la Sainte-Chapelle jusqu'à la révolution dans une "grande châsse" placée sous une voûte en arrière du maître-autel et plus haut que lui. Cette châsse en bronze doré se fermait par deux portes munies de six serrures différentes et doublées, à l'intérieur, par deux battants en treillies doré avec quatre autres serrures, également différentes. Selon le traditionnel principe médiéval de contrôle, le Roi ne possédait pas seul les cléfs : elles étaient réparties entre le souverain pour les quatre serrures intérieures, et le trésorier de la Sainte-Chapelle pour l'ouverture des deux volets extérieurs. Comme son nom l'indique, ce dernier était en effet responsable du contenu du trésor. ces dispositions firent l'objet de précieux inventaires à chacune des prises de possession de cette dignité ; ils furent publiés de 1907 à 1909 par Vidier.
En 1656 s'opéra un changement dans la répartition des clefs, qui dura jusqu'à la Révolution, en substituant au trésorier de la Sainte-Chapelle le premier Président de la Cour des comptes.
Tous les ans, le Vendredi Saint, et parfois à l'occasion d'autres solennités, le Roi se rendait à la Sainte-Chapelle et exposait lui-même les reliques à la vénération des fidèles.
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