10/01/2011
La Basilique de Saint-Denis, Haut Lieu de la France
La basilique royale de Saint Denis est surtout connue pour être le lieu où sont enterrés les rois de France et abriter un exceptionnel musée de sculptures, mais elle est plus que cela.
Il existe dans d'autres nations d'Europe des nécropoles royales : l'Escurial à Madrid, Westminster à Londres, la crypte des Capucins à Vienne. Mais l'abbatiale de Saint Denis, infiniment plus ancienne, est surtout bien autre chose que l’ultime tombeau des rois. Par son origine, son rayonnement et sa puissance dus à la renommée de ses reliques et des miracles qui s’y sont accomplis, à sa perfection architecturale, à son histoire, elle est le garant de toutes les légitimités royales et reste le témoin, depuis ses origines, de l’histoire de France.
Clovis et Saint-Denis
Le baptême de Clovis à Reims, en 496, est à l'origine de la christianisation de la France. Parmi différentes justifications c’est aussi en raison du rayonnement, déjà très important, du sanctuaire de Saint-Denis que Clovis a choisi Paris comme capitale de son royaume, sans doute sous l'influence de sainte Geneviève.
A sa suite, ses successeurs, les rois mérovingiens vouèrent un culte très important à ce lieu devenu prestigieux. Ils s'y faisaient enterrer "ad sanctos" (auprès et à l'ouest du tombeau sacré). Les fouilles ont confirmé que cette pratique existe depuis le Ve siècle, de même qu’elles ont permis de constater que l'église de Sainte Geneviève était beaucoup plus grande qu'on le supposait précédemment.
Dagobert, devenu roi en 622, entreprit, avec son ministre, l'évêque Saint Eloi, de reconstruire splendidement la basilique en l'élargissant par deux nefs latérales. C'est à Dagobert que l'on doit également la fondation de la première communauté monastique régulière destinée à assurer la permanence du service divin et la garde des reliques.
En 732, Charles Martel, fils de Pépin d'Héristal et Maire du Palais sauvait l'Occident à Poitiers.
Les derniers Mérovingiens étant en pleine décadence, Fulrad, élu abbé de Saint-Denis en 749, négocia avec le pape Zacharie Ier de leur substituer Pépin le Bref, fils de Charles Martel.
Premier sacre à Saint-Denis
Zacharie Ier étant mort, le pape Etienne II, son successeur, vint en 754 à Saint-Denis sacrer Pépin le Bref. Le roi avait entrepris la construction d’une seconde et plus grande église qu'acheva son fils Charles, dit Charlemagne.
Le sacre de Pépin a une portée historique dépassant de beaucoup le cadre de l’histoire de France. Sa portée est européenne.
Le Pape Etienne II trouvait en Pépin le protecteur de l'Eglise que menaçaient les Lombards. Pépin descendit en Lombardie et, après la victoire, remit au Souverain Pontife les villes conquises. Ce fut l'origine du pouvoir temporel des Papes et de la reconnaissance pour son rôle de "La France fille aînée de l'Eglise".
L'Abbé Fulrad doit en être considéré comme le principal artisan.
Lors du sacre de Pépin, la nouvelle basilique était loin d'être achevée. C'est seulement le 24 février 775, dans la 7e année de son règne que l'empereur Charlemagne assistera à la dédicace de l'abbatiale carolingienne.
Dom Doublet donne un texte très précieux de la "charte de Charlemagne" car il est très caractéristique de la fusion de la fortune et de la gloire de Saint Denis avec le personnage idéalisé de Saint Charlemagne : "De Dieu seul et de Toi (Saint Denis) je tiens le royaume de France" dit le grand empereur qui fit solennellement l'abbé de Saint Denis le premier des prélats de France
Avec Charlemagne la reconnaissance européenne de Saint-Denis
Le rayonnement spirituel et artistique de l’Abbaye de Saint-Denis se répandit dans toute l'Europe et Charlemagne avait proclamé l'Abbatiale "Chef et maîtresse des églises du royaume". Ce rayonnement continua malgré le déclin de la dynastie carolingienne et les premiers capétiens purent le recueillir à leur profit.
Si Hugues Capet fut proclamé et sacré roi de France en 987 et triompha du dernier carolingien Charles de Lorraine ce fut, en grande partie, parce qu'il était abbé laïque de Saint-Denis dont la puissance et le prestige rayonnaient sur toute l’Europe.
Les temps capétiens
Les Français adoptèrent pour cri d'armes MONJOIE SAINT-DENYS et le rouge gonfanon de l'abbaye devint l'Oriflamme, le symbole de l'unité de la France, levé solennellement dans la Basilique Royale à chaque occasion de grand péril extérieur. Il fut levé victorieusement en 1124 par Louis VI le Gros. En 1214, Philippe Auguste le lève et ce fut la bataille victorieuse de Bouvines où face à la coalition qui menaçait la France, le rassemblement des forces venues de tout le royaume, du nord au sud, de la fleur de la chevalerie française alliée aux milices populaires et bourgeoises, brisa l'effort des envahisseurs. L'Oriflamme a disparu à la bataille d'Azincourt, probablement détruit par ceux qui en avaient la garde, pour éviter qu'il ne tombe entre les mains de l’ennemi.
A Saint-Denis est né l'art gothique.
Suger, abbé de Saint-Denis (1081-1151), un des plus grands ministres de France, veut reconstruire l'église carolingienne qui tombe en ruine. Il commence par le narthex consacré en 1140 et l'abside consacrée en 1144. Il dote ces nouvelles constructions de merveilleux vitraux dont quelques uns subsistent encore.
Le plan de cette église supérieure est l'archétype de celui de toutes les cathédrales qui vont fleurir en France et dans toute l’Europe
Saint Louis fait en partie réédifier l'église par Pierre de Montereau, l'architecte de la Sainte Chapelle, sur un plan plus grand et plus parfait que celui de Suger, l'art gothique ayant en un siècle fait des progrès. Le roi aménage l'ensemble des tombeaux de ses prédécesseurs des trois dynasties : "Saint Louis désirait que Saint Denis soit également un mausolée où les tombes de ses ancêtres royaux ou leurs monuments commémoratifs puissent être disposés avec honneur".
Saint-Denis, les Regalia, et le cœur symbolique de la France
Depuis au moins le douzième siècle, les insignes royaux sont déposés dans le Trésor : c'est de là qu'ils sont apportés à Reims pour chaque sacre : l'abbaye de Saint-Denis fait figure de centre moral de la France.
Philippe III le Hardi dépose à Saint-Denis le corps de son père Saint Louis mort à Tunis, et Charles V y fait ensevelir le connétable du Guesclin.
Le 8 septembre 1429, Jeanne d'Arc, blessée devant Paris, vint déposer son épée sur l'autel de Saint Denis peu de temps avant d'être faite prisonnière. Elle y eut connaissance de la fin de sa mission.
La Renaissance élève à Saint-Denis de merveilleux monuments : tombeaux de Louis XII, de François Ier et de Henri II.
Henri IV embrasse à Saint-Denis la foi catholique en 1593 achevant ainsi la réconciliation des Français.
Saint-Denis haut lieu de la royauté française
Louis XIII et Richelieu réforment l’abbaye.
Bossuet y fit entendre trois de ses admirables oraisons funèbres.
Louis XIV fit élever un splendide tombeau à Turenne
Mais tout n'était pas que deuils ou gravités.
Que de sacres de reines, que d'illustres visites depuis celles des papes Etienne II, Adrien Ier, Léon III, etc. à tel point que l'abbaye fut appelée l'Hostellerie des Papes.
Les fastes des réceptions des empereurs Charles IV et Charles-Quint sont restés célèbres.
La rupture de la Révolution
Les évènements de la fin du 18ème siècle amenèrent un changement aussi brutal que profond.
Le décret de l'Assemblée Nationale du 18 février 1790 supprimait les ordres monastiques.
Le 12 septembre 1792, les Bénédictins chantèrent leur dernier office.
Pour célébrer "le premier anniversaire de la victoire du peuple" Barrère proposa "de détruire tous les monuments de l'église de Saint-Denis, effrayants souvenirs des ci-devant rois ;". Les 6, 7 et 8 août 1793, 51 sépultures royales ainsi que 47 gisants furent détruits. Puis ce furent les effroyables profanations des tombes.
"Les fabuleuses richesses de l'ancien trésor de Saint-Denis accumulées par la piété royale depuis Dagobert jusqu'à Louis XVI, ont été à jamais anéanties par le vandalisme Jacobin, en 1793. Ses épaves sont dispersées entre la galerie d'Apollon au Louvre et le Cabinet des Médailles à la Bibliothèque Nationale " (Jean Feray ).
L'Abbatiale devint le Temple de la raison puis elle fut fermée et vouée à l’abandon.
Chateaubriand écrivit dans le Génie du Christianisme "Saint Denis est désert, l'oiseau l'a pris pour passage, l'herbe croît sur ses autels brisés ; au lieu du Cantique de la mort qui retentissait sous ses dômes, on n'entend plus que les gouttes de pluie qui tombent par son toit découvert, la chute de quelques pierres qui se détachent de ses murs en ruine ou le son de son horloge qui va roulant dans les tombeaux ouverts et les souterrains dévastés"...
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