14/07/2011
La séparation de l'Eglise et de l'Etat
Les dernières années de la vie de Léon XIII avaient vu le commencement de l'exécution de cet assaut définitif que la « libre pensée » préparait en France, contre l'Eglise catholique, et qui serait la séparation de l'Eglise et de l'Etat. La liste des lois antireligieuses, votées sous ce Pontificat, par le Parlement français, accuse un plan médité de détruire la foi. Nous n'avons pas besoin de la reproduire toute entière pour expliquer le trouble général des esprits, la violence des luttes électorales, pleine licence étant laissée aux journeaux et aux orateurs populaires de calomnier l'Eglise ; l'exode de nombreuses congrégations religieuses, d'hommes et de femmes, la vie conventuelle, selon leur vocation, leur étant devenue difficile, ou impossible. Pour mesurer le chemin parcouru, dans la période à laquelle nous faisons allusion, il n'est que de regarder les bornes principales qui le jallonent.
- 1884 (27 juillet), loi rétablissant le divorce, qu'avait supprimé, dans le Code civil, une loi de 1816.
- 1884 (14 août), loi supprimant les prières publiques, lors de la rentrée du Parlement.
- 1884 (29 décembre), loi frappant d'un droit d'accroissement le patrimoine des communautés et associations religieuses.
- 1886 (30 octobre), loi excluant les congréganistes de l'enseignement public.
- 1886 (15 juillet), loi sur l'organisation de l'armée, imposant le service militaire aux clercs.
- 1901 (1er juillet), loi proclamant la liberté d'association, mais excluant du droit commun les congrégations religieuses, pour lesquelles elle exige l'autorisation législative préalable.
- 1901 (mars), refus, par la Chambre des Députés, d'examiner les demandes d'autorisation présentées par cinquante et une congrégations d'hommes (dont vingt-cinq enseignantes), et quatre-vingt-une congrégations de femmes, toutes enseignantes.
- 1904 (7 juillet), loi interdisant l'enseignement de tout ordre et de toute nature aux membres de congrégations religieuses, et ordonnant la suppression, dans un délai de dix ans, des congragations exclusivement enseignantes.
On ne peut voir sans quelque étonnement, ni indignation, que pendant un règne à tant d'égards glorieux, le Pape Léon XIII n'a ainsi obtenu aucune justice pour la religion. Rien de sa volonté « d'arrangement », ni de sa politique du « ralliement », rien n'avait désarmé la haine secrète ou avouée du système républicain, contre l'Eglise elle même...
Pie X commençait donc son règne au moment où la persécution ne faisait que s'accroître. Il avait, de la France, une compréhension mystérieuse, infiniment touchante ; ce pays qu'il n'avait pas visité, était au nombre de ses tendresses chrétiennes. Comment agir ? A qui parler ?
Parmi tant de personnages instables, le pape chercha un homme qui eût puissance, et qui pût comprendre une plainte juste. Quatre mois après son élection au Suprême Pontificat, il écrivit une lettre au Président de la République française, M.Loubet. La lettre était daté du 2 décembre 1903. Le Pape y déplorait l'exode de ces milliers de religieux et de religieuses, contraints à chercher un asile et la liberté en des terres étrangères ; il rappelait que le gouvernement n'avait pas voulu examiner les demandes d'autorisation qu'elles avaient présentées, conformément à la loi nouvelle, et les attaques contre le pape, et les suspensions de traitements ecclésiastiques, et la menace imminente de priver du droit d'enseignement à ses trois degrès, supérieur, secondaire et primaire, tout membre d'une congrégation religieuse, même autorisée. Alors avec tristesse et une fermeté légitimes, il disait au chef de l'Etat :
« En voyant cette longue série de mesures toujours plus hostiles à l'Eglise, il semblerait, monsieur le Président, qu'on veuille, comme certains le croient, préparer insensiblement le terrain, pour en arriver, non seulement à séparer complètement l'Etat d'avec l'Eglise, mais, si c'est possible, à enlever à la France cette empreinte de christianisme qui a fait sa gloire dans les siècles passés. Nous ne pouvons Nous persuader que les hommes d'Etat qui gouvernent actuellement les destinées de la France nourrissent de tels projets, qui entraîneraient fatalement, à l'intérieur, la plus grave perturbation religieuse, et, à l'extérieur, une diminution du prestige et de l'influence de la France ».
N'était-ce pas l'évidence même ? Mais l'évidence n'arrêtait pas le Gouvernement. Une note verbale du chargé d'affaires de France à Rome, du 30 juillet 1904, signifiait au Saint-Siège la rupture des relations diplomatiques. Cette rupture préparait et annonçait comme imminente la séparation totale de l'Eglise et de l'Etat. Celle-ci fut votée par le parlement (loi du 11 décembre 1905). Sans négociation préalable, contrairement aux règles du droit, le Gouvernement français dénonçait le contrat bilatéral appelé « Concordat ». Il se déclarait déchargé de l'obligation de payer le traitement du clergé, obligation inscrite, il est vrai, dans le Concordat, mais qui n'était qu'une restitution partielle, et réduite au minimum, pour la spoliation des biens du clergé pendant la période révolutionnaire... Les fondations pieuses, confiées à l'Eglise, les sommes données aux menses et aux fabriques , afin que des messes fussent dites, à perpétuité, pour l'âme des fondateurs, disparaissaient dans le même gouffre : les églises, de par la volonté du plus fort, étaient déclarées biens de « communes », le prêtre n'y était plus qu'un « usager surveillé » ; l'inventaire du mobilier de toutes les églises devait être fait par les agents de l'Etat...
« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». La République reniait ainsi ses dettes, ce qui n'a jamais passé pour honnête ; elle offensait, en outre et surtout, cette règle première ; que les nations doivent un culte à Dieu, quelle que soit la constitution.
Alors dans une forme solennelle, le Pape Pie X condamna la loi de Séparation, déclarant :
« Nous condamnons la loi votée en France sur la Séparation de l'Eglise et de l'Etat, comme profondément injurieuse vis-a-vis de Dieu, qu'elle renie officiellement, en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte. Nous la réprouvons et condamnons comme violant le droit naturel, le droit des gens, et la fidélité publique due aux traités ; comme contraire à la constitution divine de l'Eglise, à ses droits essentiels et à sa liberté ; comme renversant la justice et foulant aux pieds les droits acquis à des titres multiples. Nous la réprouvons et condamanons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège apostolique, pour Notre Personne, pour l'Episcopat, pour le clergé et pour tous les Catholiques Français. »
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